Le pessimisme des producteurs a redoublé depuis que la Commission européenne a proposé de mettre fin à l'aide versée aux tabaculteurs en fonction des quantités produites. Surtout dans le sud-ouest et en Alsace, deux zones qui assurent plus de 70% des 26.000 tonnes produites en France.
Pour l'avenir, la Commission envisage des aides "découplées", c'est à dire sans obligation de produire. Des aides fixes, annuelles et versées jusqu'en 2013.
"Il n'y a pas plus pervers comme système", tempête Didier Ther, le directeur de la coopérative "Périgord Tabac". "Pourquoi voudriez-vous que les agriculteurs s'échinent à poursuivre l'exploitation quand ils sont sûrs de toucher la prime, sans même produire"? Pour Rémy Losser, président de la Fédération des producteurs de tabac en Alsace, mais aussi président national, "ce n'est ni plus ni moins qu'une incitation à arrêter la culture".
Devant un séchoir où pendent, alignés, les pieds de tabac fraichement récoltés et couverts de feuilles dorées, Didier Lacour, producteur à La Roque-Gageac (Dordogne), s'indigne qu'"on casse la tabaculture comme on a cassé la sidérurgie".
Avec toutes les conséquences induites et notamment sur un plan social: en France, le tabac fait vivre quelque 6.000 producteurs pour qui la plante représente en moyenne de 40 à 60% des revenus, selon les documents de Périgord Tabac. Grand consommateur de main d'oeuvre, le tabac fournit aussi du travail à 30.000 saisonniers au niveau national. Enfin, dans la cité médiévale de Sarlat, ce sont en moyenne 200 personnes qui travaillent dans la seule usine française de transformation. Là aussi, l'inquiétude fait son chemin.
Certes, pour les anciens, proches de la retraite, les aides seront tout bénéfice, reconnaît-on. Mais pour les jeunes, la date-butoir de 2013 n'incite guère à l'optimisme. Et d'ailleurs, l'horizon 2013 est-il garanti "quand on connaît les problèmes budgétaires à Bruxelles?", interroge Rémy Losser.
Reconvertir la production? Mais vers quoi, "puisqu'il y a surproduction en légumes, en fraises, en tout", tonne Didier Ther. C'est donc un scénario noir que décrit le directeur de Périgord Tabac: des jeunes qui mettent la clé sous la porte, des exploitations qui ne trouvent pas repreneurs, des villages qui meurent, un damier agricole parsemé de terres laissées à l'abandon... et tout le secteur du tourisme qui risque d'en pâtir.
Un scenario "tout à fait crédible", pour Germinal Peiro, député PS de Sarlat et président du groupe d'études sur le tabac à l'Assemblée nationale, qui dénonce le fait qu'on sacrifie les tabaculteurs "sur l'autel du libéralisme et de la lutte contre le tabagisme". Une véritable hypocrisie, selon lui, puisque l'Europe importe 70% de sa consommation. |